Jeudi 14 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a décidé qu'il n'y avait pas urgence à suspendre l'accord signé en novembre 2015 entre le ministère de l'Éducation Nationale et Microsoft. Le collectif Edunathon va décider s'il poursuit son action sur le fond.
Cet accord, portant sur des logiciels et des services fournis par Microsoft d’un montant de 13 millions d’euros, est dénoncé par le collectif EduNathon, qui y voit un marché public dissimulé. Les entreprises de ce collectif auraient pu répondre à un appel d’offre du ministère, s’il y en avait eu un.
Le Sgen-CFDT, qui est signataire de l’appel pour l’utilisation de formats ouverts dans l’Éducation, et qui a dénoncé la signature de cet accord en décembre dernier regrette la décision du tribunal, qui maintient Microsoft dans une position dominante en lui permettant de s’installer dans les écoles, les collèges et lycées.
Dans la résolution votée lors de son congrès en mai 2016, le Sgen-CFDT affirme que «la transition numérique doit s’appuyer sur le monde du logiciel libre pour ses vertus d’apprentissage et pour éviter les dérives commerciales. »
L’accord entre Microsoft et le Ministère de l’Éducation Nationale va exactement dans la direction opposée à ce qu’il conviendrait de faire :
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Sur le plan pédagogique :
Tant qu’il n’est pas dans une formation professionnalisante, un élève n’a pas besoin de se spécialiser sur un outil particulier. Plus que l’outil, c’est l’usage qu’il doit apprendre : savoir utiliser un traitement de texte ou un tableur, un courrielleur, les fonctions de base d’un logiciel d’exploitation… La diversité des outils rencontrés lui permettra de s’adapter plus facilement lorsqu’il se retrouvera devant un nouvel outil.
L’hégémonie de Microsoft introduit une confusion entre ses produits et l’usage auquel ils répondent (un «PowerPoint» au lieu d’un diaporama).
Par ailleurs, le Sgen-CFDT revendique depuis toujours que le système scolaire fasse confiance aux équipes des établissements en leur laissant une autonomie suffisante pour qu’ils choisissent eux-mêmes les outils qui leur conviennent. Des formations présentant les différents outils, et leurs avantages respectifs selon les contextes, ne seraient-elles pas pédagogiquement préférables à la diffusion d’un logiciel inadapté dans beaucoup de cas ? -
Sur le plan commercial :
Le gouvernement a rappelé à plusieurs reprises l’intérêt des logiciels libres et a incité les administrations à utiliser ceux-ci en priorité (Circulaire Ayrault de septembre 2012). L’année dernière, à l’occasion du projet de loi pour une République Numérique, le gouvernement a rappelé que le principe de l’interdiction de la publicité à l’école est posé depuis 1936. Pour montrer que ce principe est toujours d’actualité, le gouvernement fait référence à plusieurs circulaires anciennes mais particulièrement explicites :
Je vous rappelle qu’aux termes des instructions données en la matière […] il ne saurait être toléré en aucun cas et en aucune manière que maîtres et élèves servent directement ou indirectement à quelque publicité commerciale que ce soit.
Comment le gouvernement a-t-il pu (à moins d’une semaine d’écart !), citer ces circulaires pour dénoncer la publicité à l’école, et signer un accord qui promeut une publicité à destination des maîtres et des élèves ?
Par ailleurs, la confidentialité des données recueillies dans le cadre de cet accord n’est toujours pas établie, et rien n’indique à ce jour que des mesures ont été prises pour éviter que les coordonnées ou les travaux des élèves ne soient utilisées à des fins commerciales.